Michel Odent

Par Eleonore Picq Doublier, sage-femme

Michel Odent nous a quitté.e.s après nous avoir laissé un grand héritage et une compréhension fine des besoins essentiels d’une femme qui accouche.

Parmi les sages-femmes, plusieurs ont vu naître leur vocation après l’avoir rencontré, lu, écouté.

J’ai été bercée des récits d'enfantement de ma mère. Cela a construit mon appel à devenir "une sage-femme qui tricote”. J’ai aimé l’entendre témoigner de son premier accouchement, alors jeune infirmière un peu hippie, révoltée par la manière dont était traités les bébés à l'hôpital. Pendant sa grossesse, elle avait découvert : « Pour une naissance sans violence » de Frédéric Leboyer. Cela la décide à partir durant le dernier mois de sa grossesse vivre à Pithiviers chez sa sœur pour donner naissance à son enfant dans la « salle sauvage » de cette maternité. Elle a toujours raconté comment, alors qu’elle dépassait son terme, le seul conseil que lui ait donné Michel Odent avait été d’aller rejoindre le groupe de chant prénatal rassemblé autour du piano qui trônait au milieu de la maternité. Comment, alors que durant son accouchement, elle criait ou vocalisait, la sage-femme lui demandant simplement si tout allait bien pour la « cantatrice », la laissant libre de ses mouvements et la soutenant accroupie pour pousser, portée par ce que son corps lui disait.

Dans cette maternité très avant-gardiste, on accouchait dans des piscines, ou sur des matelas au sol. Le respect de l'intimité était le maître mot afin de préserver les réflexes spontanés que Michel Odent avait observés et commencé à décrire. Mais si Michel Odent nous a transmis l’importance de respecter l’ocytocine, ou de diminuer les taux d’adrénaline des professionnel.le.s de santé, il n’a pas toujours été bien compris.

Il n’était pas contre la médicalisation de la naissance. Ma mère me racontait d'ailleurs que le jour de son accouchement, une autre femme accouchait également et avait eu une césarienne. Dans son souvenir, cette césarienne était plus ou moins prévue, mais Michel Odent avait choisi de laisser la mère se mettre en travail et d'attendre que cela n'avance plus pour intervenir. Pour lui, la mise en place de la cascade hormonale lors de la naissance était primordiale pour faciliter le lien mère-enfant et l'organisation des soins se faisait donc autour de ce postulat.


Son objectif était également de baisser les taux d'adrénaline dans les salles d'accouchement, de recentrer les sages-femmes autour de la physiologie, en leur rappelant que la première sécurité d’une naissance est la discrétion et le calme. Il militait pour une médicalisation raisonnée.

« Nul n'est prophète en son pays » dit-on. Si cet obstétricien a préféré quitter la France, pour être mieux accueilli et bien plus entendu au Royaume-Uni, quelques irréductibles gauloises ont continué à le lire, à l'écouter et à s'en inspirer, de ce côté de la Manche. Les APAADien.n.es en font partie !

Un grand merci à lui.

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